Tornade déboulant sur scène comme un chien dans un jeu de quilles, silhouette conquérante dans ses leggings et tops affriolants, Amanda Lear est incontestablement la tête d’affiche qu’on n’attendait pas au théâtre en faisant exploser l’applaudimètre de Panique au ministère depuis plus d’un an.
Rencontre avec cette femme pluridisciplinaire cultivée qui a été l’égérie de Mick Jagger, la muse de Salvador Dali et la compagne de David Bowie, reine de la provocation ayant fait de l’ambiguïté sexuelle son fonds de commerce…
© GUIRECCOADIC
La pièce dans laquelle vous jouez actuellement est l’un des rares gros succès parisiens au théâtre et la critique est dithyrambique. C’est que du bonheur, non ?
Oui, on a passé la 250e, et on prolonge jusqu’en juin, ce qui fera au total trois cents représentations à Paris, ce qui équivaut à environ 300.000 spectateurs, et ensuite on enchaîne une tournée d’un an en province, dans une centaine de villes. C’est exceptionnel, c’est une pièce très drôle, moderne, bien écrite. C’est une très belle pièce de boulevard. Vraiment.
Pourtant, Panique au ministère n’est pas nominée aux Molières. Une réaction ?
Elle méritait de l’être. Cela me fait de la peine pour les auteurs que la mafia du théâtre ne l’ait pas nominée. Ce côté méprisant envers le boulevard m’agace. Par contre, les pièces prises de têtes et chiantes, toutefois légitimes aussi, subventionnées et payées par nos impôts le sont !
En vous voyant sur scène, on a l’impression que vous avez été toujours sur les planches alors que c’est la première fois…
J’ai souvent joué la comédie dans ma vie, mais pas forcément sur scène. La pièce n’a pas été écrite pour moi au départ, mais je rêvais depuis longtemps de jouer ce genre de pièce, donc, quand on m’a fait la proposition, j’ai tout de suite accepté. Je me suis imprégnée à fond dans le rôle, j’ai beaucoup travaillé et aujourd’hui le public est content. C’est pour moi une vraie récompense car on attendait que je me ramasse !
On vous compare même à une Maillan…
Le public vient pour me voir. J’en ai conscience même si cela me gêne souvent pour le reste de l’équipe qui est formidable car c’est un travail collégial. On m’identifie au personnage, grâce entre autres aux Grosses Têtes, au fait que je n’ai pas ma langue dans ma poche… Finalement, je pense que ce personnage me colle vraiment à la peau. D’ailleurs, les pièces que l’on me propose maintenant sont très similaires à celle-ci.
Qu’avez-vous découvert avec le théâtre ?
J’ai découvert une discipline que je ne connaissais pas, car, à la télé, les horaires sont farfelus, surtout à la télé italienne. Au cinéma, ça dépend du pays où l’on tourne, on peut tourner deux jours de suite, et avoir une semaine de repos. Le théâtre, c’est tous les jours, et l’on ne doit compter que sur soi-même. Pas question d’avoir une perte de voix, je n’ai pas de doublure, donc je n’ai pas le droit à l’erreur. Il faut penser à tout et avoir une bonne hygiène de vie. Du coup, je ne sors plus, je ne fais plus rien d’autre. C’est une vraie discipline.
Pour être heureux, Dali n’avait pas besoin de boire, de fumer, ni de goûter aux paradis artificiels.
Et vous semblez y prendre goût?
Au début, je pensais que ça ne serait qu’un épisode et je m’aperçois que beaucoup de directeurs de théâtre me sollicitent, me demandant si je suis libre pour telle ou telle pièce. Je pense que c’est une aventure qui risque de continuer. Je crois que je vais finir en vieille comédienne (rires) !
Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de vous produire sur scène ?
Ça fait plusieurs années que j’en avais envie. Par manque de temps, j’ai dû refuser plusieurs propositions de Jérôme Savary. Je devais également jouer une pièce avec Bernard Tapie, mais j’étais sous contrat avec la télé italienne. Aujourd’hui, je regrette toutes ces années que j’ai passées à présenter des émissions idiotes.
Donc, la télévision ne vous manque pas ?
Vous savez, la télé italienne a tellement baissé de niveau, qu’au bout d’un moment, il a fallu m’arrêter. Elle me manque en ce sens que j’ai connu les beaux jours de la télé italienne. Pour la télé française, d’après mon agent, il me manquait de la crédibilité… Depuis mon succès au théâtre, je reçois plein de demandes. On m’a proposé la présentation de la Ferme célébrités, on m’écrit une série pour TF1… Je dois vraiment avoir acquis de la crédibilité car les portes de la télé s’ouvrent à nouveau à moi alors que je suis là et toujours la même depuis 30 ans !
Etes-vous, comme votre personnage, une jouisseuse ?
Je suis totalement d’accord avec l’idée qu’il faut profiter de la vie. Mais, contrairement à Cécile, je n’ai pas un langage de charretier. Dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un de discipliné, très solitaire, angoissé et sauvage. Bien loin de l’image que l’on veut bien donner de moi. Je ne fume pas, je ne bois pas, et je suis un régime strict.
Vous êtes née à Hong Kong d’une mère chinoise très religieuse et d’un père anglais discipliné membre de la marine de sa Gracieuse Majesté. Avez-vous fait ce métier par réaction ?
Complètement, j’ai voulu être rebelle dès le départ car l’éducation anglaise, la discipline, c’est tout ce que je déteste. J’étais mannequin, j’ai passé une jeunesse assez Rock’n’Roll par réaction et ce dont j’étais sûr, c’était que j’aurais un destin différent de ceux qui m’entouraient, mais je n'ai jamais eu de plan de carrière en tête.
Justement, de quelle manière avez-vous abordé ce métier ? Car, on a l’impression que vous avez toujours agi par instinct ?
J’ai sans doute eu de la chance, et le destin m’a fait faire de très belles rencontres comme Salvador Dali, Andy Warhol, David Bowie, Berlusconi… et ces rencontres m’ont fait bifurquer dans la vie et m’ont fait prendre des directions qui n’étaient pas planifiées. Jamais, je n’avais imaginé être mannequin, chanteuse, encore moins vendre des millions de disques, et maintenant remplir un des plus grands théâtres de Paris. Je pense que j’ai eu de la chance.
Une de vos rencontres déterminantes, c’est bien sûr Salvador Dali…
Il m’a beaucoup appris, non seulement d’un point de vue artistique mais aussi d’une certaine philosophie de la vie qui lui était propre, inattendue et séduisante. Pour être heureux, Dali n’avait pas besoin de boire, de fumer, ni de goûter aux paradis artificiels. Un verre d’eau minérale qu’il dégustait à la manière d’un grand cru était sa meilleure drogue.
Le destin fait que je serai une vieille actrice de boulevard, et non pas une jeune première !
Quel regard portez-vous sur votre carrière ?
Le ministre, lorsqu’il m’a décorée Chevalier des Arts et des Lettres a évoqué ma carrière, en disant : “vous avez fait tout ça !”. Je pense, qu’à la base, c’était sûrement un besoin viscéral de m’exprimer. Il faut savoir, que j’étais quelqu’un de très renfermée, très solitaire, très introvertie, pas très sociable. C’est une thérapie et ça m’oblige à aller vers le public. Finalement, j’ai encore aujourd’hui un petit côté sauvage.
Télé, radio, chanson, théâtre aujourd’hui mais aussi peinture. Où va votre préférence ?
La peinture bien sûr, c’est une passion, c’est un besoin intime. Pour moi, c’est viscéral. Je peindrai jusqu’à ma mort si je le peux. Après, j’ai découvert le théâtre, et je me rends compte que c’est tellement merveilleux de jouer la comédie. Être sur scène face à un public, le séduire, et réussir, c’est une victoire pour soi.
© GUIRECCOADIC
Qui est vraiment Amanda Lear ?
Écoutez, ça reste une énigme pour moi-même. Je ne sais pas d’où vient ce talent, cette présence, ce charisme, qui fait que lorsque je suis sur scène, on ne voit que moi. Je ne sais pas comment ça s’explique, ce n’est pas les cours de théâtre, ce n’est pas la beauté, c’est pas du talent, ça reste très mystérieux. C’est un peu magique.
Ne pensez-vous pas être passée à côté d’une vraie carrière artistique ?
Effectivement, c’est un petit peu dommage à ce stade de ma vie, ça aurait dû arriver il y a trente ans. Eh bien, malheureusement le destin fait que je serai une vieille actrice de boulevard, et non pas une jeune première !
N’avez-vous pas souffert de ne pas avoir de véritable famille, de vie privée ?
Non, pas du tout, parce que je déteste ça. Je déteste la famille, je ne me vois pas avec une belle-mère, une belle-sœur, des enfants. Ce n’est pas mon truc, je suis quelqu’un de solitaire, ça ne m’intéresse pas.
Vous avez été l’égérie de Mick Jagger, la muse de Salvador Dali, la compagne de David Bowie. Peut-on dire que vous êtes une grande amoureuse...
Je pense et ça n’est pas fini, je pense avoir besoin énormément d’amour. C’est mon moteur. J’ai l’amour de la vie, j’aime les chats, j’aime les animaux, les gens, l’art, les couleurs, les belles choses. L’amour tout court.
Le temps qui passe vous fait peur ?
J’ai tendance à considérer la vieillesse comme une maladie, dont on viendra à bout un jour. Je n’accepte pas le déclin physique avec la sérénité de toutes mes copines qui la considèrent comme inéluctable.
Vous ne vous accommoderez donc jamais de la réalité ?
J’essaie de voir le monde, la vie avec des lunettes roses. Comme Dali. Je me souviens qu’il avait l’habitude de porter des verres horriblement sales. Le jour où j’ai entrepris de les lui nettoyer, il fut épouvanté.
Dominique Parravano pour ParuVendu.fr
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