mardi 5 octobre 2021

Fau-Lear, avis de tempête à la Porte Saint-Martin

 À la Porte Saint Martin, Amanda Lear et Michel Fau, duo tant attendu de cette rentrée théâtrale post-Covid, font briller de mille feux la pièce de Jean Marbœuf, Qu’est-il arrivé à Bette Davis et Joan Crawford ? C’est fou, c’est Fau et on y court !


Quel spectacle ! Tout est des plus réussis, la mise en scène, la scénographie et l’interprétation. On aime l’univers et la folie artistique de Michel Fau. Il n’a pas son pareil pour illuminer un texte, lui donner une couleur, un ton. Il aime le décalé, le caricatural et le sublime ! Jouant sur le comique, le burlesque et le pathétique, toute situation prend sens. Avec la pièce de Jean Marbœuf qui met face à face deux monstres sacrés d’Hollywood, il ne pouvait que se régaler, et du coup nous rassasier.


À l’amour, à la haine . . 

À travers une correspondance imaginaire, mais bien documentée, l’auteur raconte les relations tumultueuses en Bette Davis et Joan Crawford lors du tournage du film Qu’est-il arrivée à Baby Jane ? Cet œuvre mythique de Robert Aldrich qui met en scène deux sœurs vivant accrochées à leur passé d’étoiles. Jane (Bette Davis) est une enfant prodige du cinéma, Blanche (Joan Crawford) a eu sa carrière brisée par un accident qui l’a cloué dans un fauteuil roulant. Devenue dépendante de sa sœur, elle est séquestrée par celle-ci. Ce film, se promenant sur les rives de la folie, est un huis clos effrayant fait de jalousie et de haine, d’excès et de noirceur.


Jeux de miroir

Comme un reflet de miroir, les deux actrices, à l’époque du tournage, n’étaient plus au sommet de leur carrière ! De par leur nature, elles étaient aussi sœurs ennemies que les protagonistes du film. L’une était belle, l’autre beaucoup moins. Si toutes les deux faisaient le même métier, elles ne sortaient pas de la même école. Crawford était actrice, un pur produit des studios, fabriquée telle une marionnette. Davis était une comédienne qui avait appris son métier sur les planches. Elles avaient de l’esprit et de la repartie, donc vous imaginez bien ce que pu être leur relation, un savoureux échange de vacheries teintées d’humour ! Un bonheur ! Elles ne se s’épargnent rien. 


Un texte sans concession

La grande force du texte est que les caprices, bons mots, et coups de gueule ne sont en fait que des sunlights éclairant un discours plus dramatique. Dans un esprit des plus mordants, Marbœuf nous présente une réflexion sur les actrices, ce métier où les rides ne font pas de cadeaux, mais aussi sur les excès de la célébrité, l’égoïsme, l’égocentrisme, la solitude et la déchéance. 

Fau-Lear, un combat royal 

Sur scène, Le duo fonctionne admirablement bien parce qu’il représente également les deux aspects évoqués dans la pièce. Fau est homme de théâtre. Amanda Lear est, par son parcours atypique, une sorte de « créature ». Michel Fau est épatant en Bette Davis ! Il en fait des tonnes, mais juste ce qu’il faut pour faire entendre ses rugissements ! La Davis disait ce qu’elle pensait, ne faisait aucune concession, ne craignait pas d’être grotesque tant elle avait du génie. Tout comme son modèle, le comédien et metteur en scène ne se ménage pas pour faire des effets et nous éblouir. La Crawford manœuvrait, alternant les caprices et les bouteilles de vodka. Amanda Lear s’est glissée avec une belle dose d’autodérision dans la peau de Joan Crawford, sans jamais toute fois la porter à la caricature, passant de divine à pathétique. Derrière les vacheries qu’elles se lancent, on sent toute la fragilité de ces deux femmes blessées. Et c’est magnifique !


Article from Marie-Cécile Nivière for L'Oeil d'Olivier ....Click !

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