par Nicolas Dewaelheyns pour lesoir.be
Avant sa rentrée au théâtre et la sortie très attendue en novembre de son nouveau disque, Amanda Lear nous accueille chez elle en Provence. Confidences d’une sexy sexagénaire.
Au milieu des champs de lavandes et d’oliviers, de chèvres, de chiens et de chats, Amanda Lear se repose en Provence, avant une rentrée bien chargée. Entre les répétitions de sa nouvelle pièce de théâtre Lady Oscar, qui démarrera le 14 septembre au Théâtre de la Renaissance à Paris, Amanda retrouve les agréables et douces senteurs de Provence, son soleil et le chant des cigales. C’est sur la terrasse ensoleillée de sa propriété que nous retrouvons une femme simple, toujours aussi séduisante, et très sensible. Confidences intimes. Qu’est-ce que vous aimez ici en Provence, Amanda ? J’aime la Provence. J’ai des oliviers. Je fais presser mes olives et j’utilise ma propre huile d’olive. Je mange peu de viande mais beaucoup de légumes et de fruits. J’adore les melons, les pêches… J’aime cette vie. Et puis, mes petits compagnons sont adorables, ils sont fidèles. Ils m’aiment sans conditions, même sans mon maquillage. Plus je fréquente les animaux, plus je suis convaincue que les hommes n’ont aucun intérêt. On va dire que la race humaine est trop compliquée pour moi : trop hypocrite, trop imprévisible, trop barbare, trop cruelle… Je sens que je vais finir ma vie très seule. Il n’y a que quand je suis au théâtre que je suis un personnage haut en couleur. Je m’éclate, je ris, je crie. Je fais rire les gens. Tout le monde croit que je suis comme ça dans la vie. En fait,
pas du tout, dans la vie, je suis très solitaire. J’adore la solitude, mes animaux et me retrouver seule avec mes peintures et mes chats. Vous n’avez pas peur de finir votre vie seule ? Mon Dieu, pas du tout ! Je vois des amis, je voyage… Et quand je me retrouve seule chez moi, c’est un bonheur. Je respire, je fais le vide. J’aime le silence. Vous peignez encore beaucoup ces temps-ci ? Je peins encore, mais beaucoup moins à cause du théâtre. Cet été, j’en profite. Je prépare une exposition pour la rentrée à Paris. J’ai commencé à sélectionner des toiles. Je peindrai toute ma vie. Quand j’arrêterai le théâtre et le cinéma, je continuerai à peindre. C’est un vrai plaisir. Et puis, c’est surtout une excellente thérapie. Quand je suis seule, la peinture me permet d’expulser toutes mes angoisses, mes contrariétés… Il y a des gens qui tricotent, certains écrivent, d’autres font de la boxe. Moi, je peins, c’est ma thérapie. (Elle sourit.)
Rêver, c’est merveilleux !
Où puisez-vous votre inspiration ? Le souvenir de Dali vous influence-t-il ? Au début, je peignais des paysages de Provence. Je peignais des arbres ou des nus. En ce moment, je peins des couleurs, des volumes… J’ai un besoin de couvrir une toile avec des couleurs très vives. Je crois qu’il doit y avoir un rapport entre les couleurs et le psychique, vous ne pensez pas ? En tout cas, la peinture me fait beaucoup de bien ! Comment définiriez-vous votre style ? Coloré ! C’est onirique, c’est poétique. C’est de la réalité poétique. C’est la réalité à travers mes rêves et mes fantasmes. Vous êtes une grande rêveuse ? Je rêve énormément. C’est pour ça que j’aime beaucoup les tableaux de Magritte. Pour moi, sa peinture, c’est vraiment le rêve. Magritte, Delvaux… Tous ces peintres belges ont très bien compris les rêves et nos aspirations quand on dort. C’est beaucoup moins le cas des peintures de Dali. Mais moi, j’aime bien rêver. C’est merveilleux ! En novembre, vous sortirez un nouveau disque, I don’t like disco. Pour vous qui avez été sacrée reine du disco, après avoir vendu des millions de disques, que représente aujourd’hui cette musique ?
Au fond de moi, j’ai envie de rock and roll, de blues, de soul… J’ai envie de tourner la page du disco pour montrer aux gens que je peux faire d’autres choses. Pour ce disque, je travaille avec des p’tits jeunes. J’aime beaucoup travailler avec des jeunes qui sont pleins d’enthousiasme. C’est des gamins qui viennent vers moi et qui me proposent des chansons. Ils ont envie de créer. C’est formidable de savoir que ces jeunes s’intéressent à Amanda Lear. Vous le vivriez mal que la jeune génération ne s’intéresse pas à vous ? Non. Ce serait un petit peu normal. Je comprendrais tout à fait que les jeunes préfèrent aller voir Mylène Farmer ou Lady GaGa. Il y a même plein de jeunes qui ne savent pas qui je suis. Et puis, il y en a d’autres, au contraire, qui disent : « Amanda, c’est une icône ! » Pour moi, les icônes sont au cimetière. Moi je conduis mon 4x4 pour aller au supermarché. Il a des vitres noires pour pas que les flics voient que je conduis sans ceinture… (Elle éclate de rire.) D’ailleurs, ça les énerve toujours. J’ai un côté rebelle. J’ai du mal à me plier aux lois, aux contraintes, aux usages… C’est très difficile pour moi de me conformer aux règles. Il vaut mieux être belle et rebelle que moche et re-moche. Ce statut de reine du disco que les médias vous ont donné, c’est un statut lourd à porter ? C’est un statut ridicule, surtout.
Il ne faut pas oublier Gloria Gaynor, Grace Jones… On était toutes des reines du disco. C’était une période où les gens aimaient entendre cette musique. Moi, tous mes vieux titres ne m’intéressent pas du tout. Ce sont des chansons que j’ai écrites il y a trente ans. Quel souvenir gardez-vous de votre jeunesse ? J’étais très insouciante. J’ai eu la chance de connaître une période d’insouciance totale. Il n’y avait pas le sida, le terrorisme, les attentats… On n’avait pas toutes ces merdes. On se marrait, on faisait la fête, on se déguisait. On allait au Palace, au Studio 54. Je sortais tous les soirs. Si un soir je ne sortais pas, c’était une soirée gâchée. Aujourd’hui, les jeunes prennent des ecstasys et plein de machins. Vous avez consommé certaines drogues ? Oui, bien sûr, comme tout le monde ! Je ne voulais pas mourir idiote. Moi, dans la vie, je ne condamne rien tant que je ne sais pas de quoi il s’agit. Mais aujourd’hui, je déconseille à tout le monde de prendre de la drogue parce que je sais que c’est très nocif pour l’organisme. Et puis, toutes ces drogues ne rendent pas la vie plus belle. Moi, j’ai le même résultat avec un verre d’eau minérale. (Elle éclate de rire.)
Mon corps n’est pas une obsession
Dans quelques jours, vous jouerez dans Lady Oscar, l’adaptation de la pièce Oscar dans laquelle jouait Louis de Funès. Auriez-vous imaginé un jour que vous connaîtriez le succès sur les planches ? Je regrette de ne pas avoir découvert le théâtre plus tôt. C’est un grand bonheur, même si c’est très mal payé. Il y a quelque chose de magique au théâtre que je ne trouve pas à la télé et au cinéma. J’aurais dû commencer le théâtre il y a dix ans déjà. Après Arielle Dombasle, est-il vrai que le Crazy Horse vous a sollicité pour un spectacle d’effeuillage ? C’est vrai ! Ils voulaient faire un coup médiatique et avoir la plus vieille stripteaseuse du monde. J’y ai pensé. Et puis, j’ai pensé que ça aurait été totalement ridicule. Ça ne m’aurait rien apporté. Je préfère montrer que je suis une bonne actrice plutôt que montrer mes fesses au Crazy Horse. Quel rapport entretenez-vous avec votre corps ? Je fais attention, beaucoup plus qu’avant. Je ne me gave plus de saloperies. Je fais de l’exercice pour rester mince. Mais je ne me prive pas. Mon corps n’est pas une obsession. J’aime manger. Ici en Provence, tous les soirs, je sors avec des amis. On va manger des bonnes choses. Je me sens en pleine forme. Je suis les conseils des braves paysans de Provence. Je mange une gousse d’ail par jour, quatre carrés de chocolat, quelques cafés…
Tout ça contribue à un bon entretien de son corps. Je fais un peu d’exercice, beaucoup de sexe… J’ai la chance d’avoir plein de jeunes gens qui me font la cour. Aujourd’hui, la femme d’un certain âge, la cougar, est devenue très tendance. Tant mieux. Je profite de cette mode. Vous vous considérez comme une cougar ? Je trouve ce terme épouvantable ! Les Américains sont tellement cons pour avoir inventé ce mot ridicule. Il y a toujours eu des femmes plus âgées avec des jeunes gens qui tombaient amoureux d’elles. Êtes-vous une femme amoureuse en ce moment ? Non. Je ne suis pas du tout amoureuse en ce moment. Et je m’en porte très bien ! (Elle rit.) Le sexe, c’est formidable. C’est un excellent passe-temps. Je ne tiens pas spécialement à me mettre avec quelqu’un. Ça complique beaucoup les rapports, ça complique la vie, ça crée des jalousies. Le sexe sans amour vous rend heureuse ? Complètement ! Je trouve ça très sain. Si les deux protagonistes y trouvent leur compte, chacun est heureux ! Quelle est votre plus belle histoire d’amour ? C’est mon mari ! Je suis restée mariée pendant vingt ans avec un homme merveilleux. C’est ma plus belle histoire d’amour. Comment l’aviez-vous rencontré ? C’était lors de l’inauguration du Palace en 1978. J’ai été la première à chanter au Palace à Paris. Les peintures n’étaient pas encore sèches. Je me suis mariée avec Philippe Malagnac. Plus tard, une marquise belge lui a légué son titre. Et je suis devenue la Marquise d’Argens en épousant Philippe Malagnac. Je suis marquise, même si je trouve ce titre un peu cul-cul. (Elle rit.) Vous avez connu des drames dans votre vie (Amanda a perdu son mari dans l’incendie de sa maison, ndlr). Dans ces moments difficiles, où trouvez-vous la force d’avancer ? On n’a pas le droit de se retirer cette merveilleuse vie qu’on nous a donnée. Cela aurait été trop facile de se suicider, ça aurait été comme un aveu d’impuissance totale, un manque de courage. La vie, il faut la continuer. Il faut vivre !
Bowie m’a payé des cours de chant......
Vous fréquentez encore les discothèques ? Rarement. Je m’ennuie un petit peu quand je vais dans une discothèque. La musique va trop fort, je ne peux pas parler. J’ai connu de très belles discothèques. Aujourd’hui, je vois rarement de jolies discothèques. C’est dommage pour les jeunes. Vous avez débuté votre carrière comme mannequin… Quel regard portez-vous sur la mode en 2011 ? J’ai encore de très bons rapports avec les gens de la mode. J’ai déjeuné la semaine dernière avec Paco Rabanne. Il m’a une nouvelle fois annoncé la fin du monde. (Elle rit.) Cet été, Dolce & Gabbana vous a consacré toute une collection, en imprimant votre photo sur des tee-shirts. Cela vous a touchée ? « C’est un hommage à Amanda Lear » qu’ils disent. Ça m’amuse beaucoup de voir des jeunes en rue avec un tee-shirt sur lequel il y a ma photo. Moi, j’ai toujours continué à admirer les grands créateurs. Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers pas sur les podiums ? À l’époque, on était des filles très minces. Mais ça n’a plus rien à voir avec le mannequinat d’aujourd’hui. Ces filles touchent des fortunes maintenant ! Moi, je faisais ça avec beaucoup de décontraction. Je m’amusais avec des copines, et je tombais amoureuse de tout un tas de guitaristes. La chanson, vous y êtes arrivée grâce à David Bowie ? Oui. Et aussi grâce à la pochette du Roxy Music de Bryan Ferry.
C’est David Bowie qui a produit mon premier disque. Il m’a payé des cours de chant. Et jamais je n’imaginais que ça m’amènerait autant de succès et une telle carrière. Ce que Bowie ne vous avait pas dit, c’est qu’il avait une femme. Il ne vous l’a dit que le lendemain matin, après avoir passé la nuit avec vous. Tous les hommes sont comme ça.
C’est Dali qui a lancé la rumeur selon laquelle vous auriez été un homme… Je suis toujours partante pour la bonne publicité. C’est la clé du commerce. Vous n’aurez pas de succès si on ne parle pas de vous. Et Dali a trouvé comment me faire connaître dans un monde où il y avait beaucoup de concurrence, beaucoup de chanteuses. Mais aujourd’hui, cela vous attriste qu’il y ait encore des gens qui puissent croire cette rumeur ? Pas du tout. Rien ne m’attriste : que les gens continuent à écrire des conneries sur moi ! Ça remplit mes salles de théâtre. Je mène une vie de rêve, j’ai plein de fiancés, j’ai du succès, je suis Chevalier des Arts et des Lettres… Que demander de plus ? Regrettez-vous, certains jours, de ne pas avoir eu d’enfant ? Je n’ai pas la fibre maternelle. Et puis surtout, il faut savoir les élever. Je pense que si on veut avoir des enfants, il faut se comporter en maman. Et si on n’est pas foutu d’être une vraie maman, il ne faut pas avoir d’enfants. Une vraie maman, elle vient vous chercher à la sortie de l’école, elle vous fait des confitures, elle vous aide pour vos devoirs. Une bonne femme qu’on voit nue dans les journaux et qui fait de la télé, ce n’est pas une maman ! C’est un choix de vie à faire.
À partir du 14 septembre, retrouvez Amanda Lear dans Lady Oscar au Théâtre de la Renaissance, 20 boulevard Saint-Martin à Paris (10e arrondissement). Tél.00/33/01-42.02.47.35.