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INTERVIEW Amanda Lear jette un œil à la carafe de jus de pommes posé sur la table. "C'est du whisky?", interroge-t-elle, avant une pointe de déception. "Ah non, ne rêvez pas!" L'ancienne sociétaire des Grosses Têtes, dont l'âge reste flou, est fidèle à l'image qu'on s'en fait... et n'est pas très éloignée de l'image d'Edna Mode, styliste des "Indestructibles", qui reprennent du service ce mercredi dans les salles obscures. Pas étonnant que Pixar l'ait rappelée.
Amanda prêtait déjà sa voix à Edna il y a quatorze ans, lors du premier volet. Elle est la seule du casting original à remettre le couvert, non sans une certaine fierté. "Tout le monde m'a toujours dit qu'Edna Mode était mon meilleur rôle. Non seulement, ils ont gardé le personnage d'Edna mais en plus il l'ont un peu fait évoluer. Ca m'a fait plaisir et ça m'a confirmé ce que me disaient les gens: qu'Edna Mode, c'est moi." Sauf qu'en fait, pas vraiment. Cette ressemblance n'existe que dans la tête des gens.
"Je ne suis pas Edna Mode", précise-t-elle. "Je ne lui ressemble pas, je ne parle pas comme elle. Elle est odieuse, madame je sais tout, très sûre d'elle. On ne discute pas avec elle. Ce qu'elle dit est péremptoire. Mais les gens me disent que ça correspond à mon caractère. C'est en tout cas ce qu'on me fait jouer au théâtre: je joue toujours des bonnes femmes qui ont le verbe haut, qui ne se laissent pas faire, qui n'en ont rien à foutre de ce qui arrive... Mais ça, c'est le personnage d'Edna Mode."
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Vous n'êtes pas comme ça dans la vie ?
Non, je prends des gants. Je ne vais pas vous dire: ce pantalon ne te va pas, allez dégage.
Dans Les Indestructibles 2, les rôles familiaux traditionnels s'inversent.
C'est maman qui va travailler et papa qui s'occupe des enfants. Le fait que ça soit un film moderne, ça vous plaisait ?
L'inversion des rôles chez Disney, c'est nouveau. C'est la bonne femme qui part en mission et le mec qui est au chômage, parce qu'on n'en veut plus. Il reste à la maison avec un enfant dans chaque bras, il est obligé de donner le biberon, de se démerder avec la machine à laver. C'est nouveau et c'est bien vu. Quand il a besoin d'aide, il se tourne vers Edna, qui est aussi un personnage féminin. Elle est capable de s'occuper du petit avec ses super pouvoirs, elle est la seule à pouvoir faire ça. Mais pour moi, ce n'est pas un film féministe, ça, c'est Wonder Woman. Disons que c'est un film qui voit bien comment notre société évolue. Les Disney de notre enfance, ils étaient gnangnan, plein de fées, de lutins et de bons sentiments. Depuis que Pixar est arrivé, ça a beaucoup évolué. Je me rappelle, quand j'étais enfant, j'ai vu Blanche-Neige, je la trouvais très moche. Celle qui me plaisait, c'était la Reine: elle avait les ongles faits, elle était bien maquillée, elle était super élégante. Blanche-Neige, c'était une bonniche qui balayait pour les nains. Cendrillon, pareil. Elle était en haillons. Les héroïnes étaient pathétiques et les méchantes étaient bien habillées. Regardez Cruella. Ce qui me plaisait du coup, c'était de faire la méchante. On ne peut pas dire qu'Edna soit très sympathique. Mais c'est ça qui m'intéresse.
© photonews.( J'ai toujours trouvé Blanche-Neige très moche. Celle qui me plaisait, c'était la Reine: elle avait les ongles faits, elle était bien maquillée, elle était super élégante.
Amanda Lear )
Quel est le super pouvoir que vous auriez rêvé d'avoir ?
Tout le monde rêve de voler, mais pourquoi? Il y a des avions. Ca ne sert à rien! Être invisible, ça, j'aimerais bien. On n'est pas obligé de se maquiller, de s'habiller, on s'en fout, personne ne nous voit. Dans une société où il faut tout le temps être visible, ça serait le rêve. J'irais surveiller mon fiancé pour être sûre qu'il ne me trompe pas.
Les gens fantasment sur des super pouvoirs qu'ils n'auront jamais mais ils fantasment aussi sur des vies qu'ils n'auront jamais. Comme celles des rock stars. Vous en avez côtoyées beaucoup. Alors, on fait bien de rêver en les regardant ?
On fantasme sur des gens qui ont une vie qui a l'air meilleure que la nôtre. On a tous une vie pépère, on fait la vaisselle, on paie nos impôts et on fantasme sur des Kim Kardashian, sur des gens qui ont des limousines. En fait, ils n'ont pas des vies si extraordinaires que ça: ils souffrent de la solitude, ils ont la diarrhée comme tout le monde... Je voyais ça avec Salvador Dali: il jouait un rôle en public. Il commençait à rouler des yeux, à toucher ses moustaches, il disait des conneries, c'était un numéro détestable. En tout cas moi, je détestais ça. Dès qu'on se retrouvait en privé, que les journalistes étaient partis, il était adorable. C'était un amour, il était attentionné, il me récitait des poèmes. C'était Docteur Jekyll et Monsieur Hyde. En public, il se croyait obligé de jouer ce rôle.
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Quand les projecteurs sont braqués sur vous, vous n'avez pas vous aussi l'envie de jouer un rôle?
Tout le monde a ça. On raconte tout le temps l'histoire de Marilyn Monroe qui se baladait avec un fichu sur la tête et un imperméable sur la 5e avenue et que personne ne reconnaissait. Une fois son fichu enlevé, elle a commencé à marcher en se dandinant et tout à coup, il y a eu un attroupement autour d'elle. Elle s'est mise à jouer Marilyn Monroe... Quand on me dit: fais Amanda Lear, je fais Amanda Lear. Après, je rentre chez moi, j'ai mes chats, mes oliviers. C'est un rôle mais vu que c'est un rôle qui a eu du succès, c'est celui-là qu'on me redemande à chaque fois. Je fais ce que les gens attendent de moi. Le seul danger, c'est qu'on vous catalogue et qu'on vous fait toujours jouer le même rôle. Dans un film, j'ai joué la maman de Virginie Efira, dans un autre, la maman de Aure Atika. A chaque fois, c'est le même rôle. Je joue la mère cougar, qui boit, qui fume. Je rêve de jouer autre chose: une tueuse en série, une ministre de la Santé...
Ici, on a fait appel à vous pour votre voix. Vous avez une signature vocale reconnaissable. C'est une fierté ?
La voix, c'est extraordinaire... J'étais mannequin pendant des années. Et on me disait tout le temps de la fermer. Comme toutes les filles, j'avais envie de parler. On me disait: chut, souris. C'était frustrant. Il a fallu que je tombe sur David Bowie. Il m'a dit: tu as une voix qui mériterait d'être travaillée. Il m'a mise sous contrat, j'ai pris des cours de chant et à partir de ce moment-là, je me suis rendu compte que ma voix pouvait avoir un impact. Quand je suis rentrée en studio d'enregistrement, mon producteur me dit: vas-y chante. J'ai chanté avec la voix qu'on m'avait appris à avoir pendant mes cours de chant. Il m'a dit: mais qu'est-ce que c'est que cette voix ? Il m'a poussée à chanter plus bas. Je chantais très près du micro parce que je n'avais pas beaucoup de puissance. La voix qu'on attendait de moi, c'était ce genre de voix-là. Quand je suis allée au théâtre, on m'a dit de parler plus fort parce qu'on ne m'entendait pas. La voix, c'est un muscle. Il a fallu que je travaille une voix beaucoup plus puissante. Ça m'a servi pour le doublage. On peut l'adoucir, la rendre plus agressive.
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Quand on me dit: Fais Amanda Lear, je fais Amanda Lear. Après, je rentre chez moi, j'ai mes chats, mes oliviers. C'est un rôle mais vu que c'est un rôle qui a eu du succès, c'est celui-là qu'on me redemande à chaque fois.
Amanda Lear...