vendredi 2 juillet 2010

Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres

Discours de remise des insignes de Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres à Amanda Lear par Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la Culture, le 16 janvier 2007:
Chère Amanda Lear,
Je suis très heureux de vous accueillir ce soir rue de Valois.
Personnalité chaleureuse, et haute en couleurs, vous avez pris le meilleur des époques que vous avez traversées, pour en devenir, à chaque fois, une véritable icône. Muse du rock, de Salvador Dali, et des soirées underground, reine de la disco, actrice, présentatrice, peintre, polyglotte, vous avez toutes les audaces, et tous les talents.



Née en Extrême-Orient, vous étudiez les arts dans la capitale de l'empire britannique, à la prestigieuse Saint Martins School. Véritable oiseau de nuit, vous hantez les soirées où se presse le tout Londres, et vous côtoyez des personnalités aussi mythiques que les Rolling Stones. Votre beauté attire alors l'attention de la directrice de l'une des plus prestigieuses agences de mannequin en Europe.
Votre carrière est lancée et vous défilez pour les plus grands noms de la haute couture à Paris, parmi lesquels Paco Rabanne et Yves Saint-Laurent. C'est à cette période que vous rencontrez celui qui sera votre premier Pygmalion, l'immense Salvador Dali. Gala n'est pas sa seule muse : il fait de vous son égérie, et sa plus proche amie, pendant plus de quinze ans.
Cette époque faste et heureuse aux côtés de l'un des génies les plus extravagants de la peinture, de cet être complexe et chatoyant, dont vous assistiez à toutes les métamorphoses, personnage fascinant, provocant en public, mais aussi heureux et tendre, en privé, comme vous l'avez brillamment retracé dans votre ouvrage Mon Dali.
Mais si le Maître de Cadaquès a eu une très grande influence sur vous, vous n'avez jamais accepté le destin qu'il vous réservait : il vous voyait épouser un Grand d'Espagne, et orner l'intérieur d'un Palais de Séville, quand vous rêviez de peindre, de chanter, et de conquérir les écrans. "Amanda est un être angélique, disait-il, dont les yeux de libellule voient ce que les autres ne peuvent voir".
Ange, d'accord, mais du rock et de la nuit, et dans les années soixante-dix, alors que vous faites la couverture des plus grands magazines de mode, Bryan Ferry vous demande de poser pour la pochette de l'album For your Pleasure, du groupe Roxy Music. La photo devient aussi célèbre que l'album lui-même !
Peu de temps après, votre rencontre avec David Bowie marque les débuts d'une très belle histoire, mais aussi de votre carrière dans la musique, puisque c'est sur ses conseils que vous sortez en 1975 votre premier 45 tours, Trouble. Le public est conquis par votre voix de velours et, deux ans plus tard, votre premier album, I am a photograph connaît un succès immense. Le titre Queen of Chinatown est même, fait plutôt rare à l'époque, disque d'or au Japon ! Vos albums suivants, Sweet revenge, Never trust a pretty face, et Diamonds for breakfast remportent le même triomphe, et vous propulsent au rang de reine de la disco. Vous ne quitterez jamais votre trône, offrant de nouveaux albums à vos innombrables fans, en 2001, notamment avec Heart, qui vous vaut de nouveau un grand succès, puis en octobre dernier, avec With love.
Vous avez vécu mille vies et retracer le fil de votre carrière est un exercice complexe ! Muse, mannequin, chanteuse, vous avez envoûté le grand écran, dans plusieurs apparitions au cinéma, et séduit le petit, puisque vous êtes une grande présentatrice de la télévision française, mais aussi, aujourd'hui italienne. En France, après avoir animé de nombreuses grandes émissions de divertissement, votre voix chaude, votre aplomb et votre franc-parler vous valent de rejoindre Les Grosses Têtes de Philippe Bouvard.
Mais il est un de vos nombreux talents que je tiens à récompenser tout particulièrement ce soir, talent qui est aussi votre vocation première, celle qui vous a fait vous envoler pour Londres, celle qui a nourri votre fascination pour Salvador Dali, je veux bien sûr parler de votre don pour la peinture. Don que votre Pygmalion reconnut après de très longues années, du bout des lèvres, sans doute perturbé de vous voir réussir dans cet art qui, selon lui, n'était pas une affaire de femmes !



Et dans cet art vous vous êtes pourtant affirmée, "exorcisant", ainsi que vous le dites, l'héritage de votre maître, redécouvrant la Provence si chère à votre coeur, et les grands peintres qui vous fascinaient aux Beaux-Arts, Gauguin, Van Gogh, Cézanne. Ainsi, vous donnez libre cours à votre imagination, en livrant des toiles à votre image, colorées, exubérantes, joyeuses, parfois érotiques, toujours pleines de vie.
Oui, vous êtes d'abord une artiste, mais aussi une personnalité unique, une icône intemporelle. Vous avez traversé les styles, les modes et les courants avec cette même liberté, cette même légèreté, qui ont fait votre succès, et qui vous ont acquis la ferveur du public.
Amanda Lear, au nom de la République, nous vous faisons Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

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