Elle fut la muse de Salvador Dalí... et une star du disco. Chanteuse, actrice, présentatrice télé, peintre : Amanda Lear a tout fait. À l'occasion de l'exposition événement « Surréalisme », qui présente plusieurs toiles du maître catalan, rencontre avec une véritable légende pop passionnée de peinture.
Propos recueillis par Séverine Pierron pour Centre Pompidou ! Click on the link
Son destin a croisé celui du peintre Salvador Dalí un peu par hasard à Paris, au mitan des années 1960. Avec son visage androgyne et son corps de liane, Amanda Lear est déjà un mannequin en vue, repéré dans les nightclubs lancés du Swinging London (elle eut une brève liaison avec Brian Jones, des Rolling Stones). Étudiante aux Beaux-arts, la jeune femme rêve d’une carrière artistique. Elle devient rapidement la muse du maître du surréalisme — elle lui aurait inspiré les œuvres Hypnos (1965) et Vénus aux fourrures.
Amanda Lear devient rapidement la muse du maître du surréalisme — elle lui aurait inspiré les œuvres Hypnos (1965) et Vénus aux fourrures.
Entre Dalí et Amanda Lear, la relation reste néanmoins platonique (l’artiste est toujours marié à Gala, ex-femme de Paul Éluard et ce depuis 1932), mais les frasques médiatiques du duo enchantent la presse à scandales. Pendant près de quinze ans, Dalí et Amanda Lear joueront ainsi la comédie d’un couple anticonformiste, alimentant chacun le récit de leur collaboration intellectuelle et amicale des plus folles rumeurs. Celle qui s'est réinventée reine du disco à l'orée des années 1980 (sur les conseils de son amant, un certain David Bowie) en a gardé d’innombrables et piquantes anecdotes — et quelques toiles du maître, qu’on dit disparues dans un incendie qui frappa sa maison provençale au début des années 2000. Rencontre avec une véritable légende de la pop culture.
« Je vous le dis franchement, lorsque j’ai rencontré Salvador Dalí, dans les années 1960, je n’aimais pas du tout sa peinture — ni même le surréalisme en général, que je trouvais terriblement angoissant ! J’avais eu une formation artistique très académique aux Beaux-arts de Paris. Mes peintres préférés étaient les fauves comme Henri Matisse, mais aussi Paul Gauguin, Vincent van Gogh, Édouard Vuillard, Pierre Bonnard ou Paul Cézanne — que Dalí exécrait. Pour moi, c’était cela la peinture ! À l’époque, je peignais d’après modèle vivant — c’est d’ailleurs aux Beaux-arts que j’ai vu un homme nu pour la première fois. Je devais avoir dans les dix-huit ans, et je n’imaginais pas une seconde que j’allais rencontrer Salvador Dalí…
Dalí était très macho, pour lui les femmes ne savaient pas peindre autre chose que des bouquets ou des maternités. Les vrais peintres, c’était Vermeer ou Michel-Ange et son plafond de la chapelle Sixtine.
Amanda Lear
Pour payer mes cours à l’école, je faisais du mannequinat. Un jour, j’ai défilé pour le créateur Paco Rabanne. Après le show, Paco m’a emmenée dîner dans un restaurant, et c’est là que nous l’avons croisé. Paco était lui aussi d’origine espagnole, ils se connaissaient. Il m’a présentée à Dalí qui m’a alors dit : « Mademoiselle, vous avez la plus belle tête de mort que j’ai jamais vue ». Ce à quoi j’ai répondu que j’étais peintre moi aussi, et que nous étions donc collègues — je ne vous dis pas la tête de Salvador Dalí ! Il était très macho, pour lui les femmes ne savaient pas peindre autre chose que des bouquets ou des maternités. Les vrais peintres c’était Vermeer ou Michel-Ange et son plafond de la chapelle Sixtine. Bref la peinture, c’était un truc d’hommes. À l’époque, l’art c’était pour moi avant tout une question d’esthétique, j’étais attirée par les couleurs — bien sûr une erreur terrible ! Ce n’est que plus tard que j’ai compris que l’art ce n’était pas ça.
Dans ses toiles, Dalí mettait sa peur de la mort et son angoisse du sexe — il était impuissant. Ça me rappelle une anecdote amusante… Lors de la dernière grande rétrospective Dalí au Centre Pompidou, j’ai croisé Bernadette Chirac plantée devant un tout petit tableau intitulé Le Spectre du sex-appeal — ses plus beaux tableaux sont parfois de la taille d’une carte postale. On y voit le peintre, représenté en petit garçon avec un cerceau et un petit costume de marin face à une créature en décomposition, os apparents. En fait une métaphore de son impuissance… J’ai tout expliqué à Bernadette, elle était un peu choquée !
Lors de la dernière grande rétrospective Dalí au Centre Pompidou, j’ai croisé Bernadette Chirac plantée devant un tout petit tableau intitulé Le Spectre du sex-appeal […] En fait une métaphore de son impuissance… J’ai tout expliqué à Bernadette, elle était un peu choquée !
Amanda Lear
Dalí a été mon professeur, mais j’ai dû trouver mon propre style et forger ma propre éducation artistique en prenant de la distance par rapport à ses jugements. Aujourd’hui la peinture est une thérapie pour moi. On ne peut pas vivre sans art, en tous cas moi je ne peux pas. J’ai la chance de parcourir la France avec mes tournées théâtrales, et pendant que mes potes sont au bar ou dans les saunas de la ville, moi je visite des musées et des cathédrales extraordinaires. Récemment à Albi j’ai redécouvert les pastels de Toulouse-Lautrec au musée de la ville, c’est splendide ! » ◼