Aux cotés d’une Amanda Lear à contre-emploi, prête à assumer jusqu'au bout le rôle de la comédienne déchue, Michel Fau se travestit en Bette Davis pour incarner dans une mise en scène burlesque une histoire d’inimitié entre deux grandes actrices d’Hollywood.
C’est l’histoire d’une amitié ratée entre deux monstres sacrés du cinéma américain de l’âge d’or d’Hollywood. Au début des années 1960, Bette Davis et Joan Crawford, les deux grandes actrices de la décennie écoulée, jadis au sommet, se trouvent alors au creux de la vague : l’une en est réduite à passer des petites annonces pour trouver des rôles quand l’autre est ruinée, en dépit de son mariage avec l’héritier Pepsi. Un projet commun va les relancer : Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (1963). Un film qui raconte précisément la rivalité entre deux sœurs, anciennes actrices, que la célébrité a détruites : l’une est infirme tandis que l’autre, alcoolique et folle, semble coincée pour toujours dans le rôle de Baby Jane, l'enfant-star qui l'a fait connaître.
Entre les deux actrices, la cohabitation de deux égos démesurés est difficile et le tournage vire rapidement au pugilat. Détruit par la critique, le film cartonnera malgré tout au box-office. De cette histoire de rivalité féminine hors-norme, le scénariste-réalisateur américain Ryan Murphy (American Horror Story) avait déjà tiré Feud, fabuleuse description psychologique des ressorts d’Hollywood, de la misogynie et des relations entre femmes avec Susan Sarandon dans le rôle de Bette Davis et Jessica Lange dans celui de Joan Crawford. Loin du drame psychologique de Ryan Murphy, Michel Fau fait le pari de la farce et introduit du boulevard dans cette histoire d’inimitié féminine, via cette adaptation qu'il met lui-même en scène au théâtre de la Porte Saint-Martin.
DRÔLE DE RIVALITÉ
Dans cette création, l’acteur retrouve son goût prononcé pour le travestissement et le kitsch assumé et apparaît sous les traits d'une Bette Davis elle-même déguisée en Baby Jane, terrifiante avec son maquillage blafard et cauchemardesque et ses tresses blondes de femme-enfant. Amanda Lear, plus habituée des personnages de bourgeoises évaporées, endosse ici un rôle à contre-emploi mais qui lui sied à merveille, pour lequel elle n'hésite pas à s'avilir : celle de l’actrice déchue et amère, partie de rien et qui fait face désormais à sa déchéance et sa peur de vieillir, maintenant qu'elle doit céder la place.
Les deux femmes ne sauraient être plus différentes. Guindée, séductrice, Joan Crawford, ex- « chorus girl », a d'abord connu la misère avant de devenir une comédienne reconnue – et riche. Face à elle, Bette Davis, avec son physique ingrat, incarne l’actrice totale, au caractère entier, entièrement dévolue à son art : celle qui fume clope sur clope, picole, parle et jure comme un charretier et n’hésite pas à traiter de « lopettes » les metteurs en scène qui lui déplaisent.
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