Michel Fau transforme en noire mascarade la pièce de Jean Marboeuf « Qu'est-il arrivé à Bette Davis et Joan Crawford ? ». La joute entre les deux stars d'Hollywood prend un relief singulier, l'acteur-metteur en scène incarnant Bette Davis et Amanda Lear, Joan Crawford. Un spectacle tour à tour drôle et mélancolique qui raconte la solitude et les névroses des actrices et des acteurs....
Entre un classique sublimé et un boulevard dynamité, Michel Fau a l'habitude de gratifier son public d'un « Otni » (objet théâtral non identifié). Dernier en date, à la Porte Saint-Martin : sa mise en scène baroque de « Qu'est-il arrivé à Bette Davis et Joan Crawford ? », une pièce du réalisateur Jean Marboeuf de 2008. Pour incarner les deux stars qui se crêpent le chignon sur le plateau du tournage de « Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? » de Robert Aldrich (1961), l'acteur-metteur en scène a opté pour un duo de choc, constitué de lui-même (il est Bette) et d'Amanda Lear (elle est Joan). Deux stars de la scène qui jouent deux stars d'Hollywood, c'est ce qu'on appelle une mise en abîme… Au début, les spectateurs rient aux facéties des deux acteurs grimés, à la fin, ils partagent les émois de Bette et Joan. La transfiguration a bien lieu…
L'apparition de Fau/Davis en vaporeuse petite robe verte avec sa perruque à frange, puis celle de Lear/Crawford en fourreau noir pailleté et perruque brune font leur petit effet. Dans un décor stylisé, où les loges des actrices ressemblent à deux castelets (séparées par un grand escalier olympien), les marionnettes-fantômes d'Hollywood ont tôt fait de nous embarquer dans leur délire. Le texte de Marboeuf, fait de vraies fausses missives et de prises de bec imaginées entre les deux stars, est inégal, mais il offre une bonne matière à l'alchimiste Fau. Au-delà de l'évocation de la jungle d'Hollywood et du statut singulier de l'actrice au siècle dernier (des lustres avant #MeToo), au-delà des anecdotes savoureuses et des dialogues acérés, le metteur en scène orchestre une danse mi-burlesque, mi-funèbre entre deux icônes fêlées.
Article publié par Philippe Chevilley pour le journal "" Les Echos "" Click
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