Amanda Lear lors du vernissage de son exposition intitulée: «Talents et mystère d'Amanda Lear – Aperçu de la vie d'une artiste légendaire et icône de style de la culture pop».
Article par dans le journal "" Le Matin "" entretien par Fabio Dell' Anna
Amanda Lear était à Bâle le vendredi 7 juin pour le vernissage de son exposition, qui se tient jusqu'au 15 juin, au 8 Wettsteinplatz. Un événement qui se tient en marge d'Art Basel. «Je n'avais jamais participé à cette manifestation. C'est une concentration d'art majeure, et je suis très heureuse d'être invitée», nous confie-t-elle.
Installée dans un fauteuil d'un palace, l'icône devient bavarde dès qu'il s'agit de décrire ses œuvres. Elle préfère parler de ses succès actuels en tant que peintre, actrice et chanteuse plutôt que de ressasser son passé. «Je ne regarde jamais en arrière. J'ai enregistré 21 albums et je n'en possède aucun. On a volé mes disques d'or et je m'en fiche. Et revoir de vieilles émissions où je disais déjà des bêtises, ça ne m'intéresse pas», dit-elle sans filtre.
Le présent pour Amanda Lear, c'est aussi un documentaire pour HBO qu'elle vient de tourner. Elle a aussi signé pour un biopic. «Je me rends de plus en plus compte que les gens sont intéressés par les personnes que j'ai fréquentées ou aimées. Elles me questionnent sur ce parcours incroyable, plutôt que sur mes accomplissements», analyse-t-elle. Sa rencontre avec Salvador Dalí dans un restaurant ou l'appel de David Bowie étaient dus au hasard. «Je crois beaucoup au destin. Je ne provoque pas les choses, je les laisse simplement arriver.»
Après votre exposition à Zurich en 2022, que présentez-vous à Bâle ?
J'ai créé une cinquantaine d'œuvres, incluant plusieurs portraits, dont certains ont déjà trouvé acquéreur. Vous pourrez admirer le regard de Dalí ou le visage d'Andy Warhol. J'ai également puisé mon inspiration dans Nemo, vainqueur de l'Eurovision. Mes toiles représentent une variété de sujets, des chevaux aux fleurs... Mon processus créatif est imprévisible, souvent teinté de bleu.
Pourquoi avoir décidé de peindre un portrait de Nemo ?
J'ai voulu capturer son côté rêveur. Nemo a un visage enfantin, avec de grands yeux, comme les enfants qui rêvent éveillés. Je trouvais cela très sympathique à représenter. Au-delà de son look provocateur à l'Eurovision, Nemo avait une très belle chanson et sa voix est magnifique.
Qu'est-ce qui vous a particulièrement touché chez Nemo ?
Cela demande beaucoup de courage de se mettre en avant et dire: «Pourquoi devrais-je souffrir de ma différence?» Nous sommes tous différents. Il y a des Blancs, des Noirs, des blonds, des bruns, des poilus, des imberbes... Nous devons tous être acceptés. Rejeter quelqu'un car il n'est pas comme moi, c'est inacceptable. Malgré les progrès réalisés, il y a encore beaucoup d'intolérance.
De vos peintures, quelle est votre préférée ?
Celle d'un ange avec les ailes vertes déployées. Il s'agit de l'ange de l'écologie. Il symbolise la défense de la nature et de la planète. C'est un tableau que j'ai réalisé il y a quelques années. Personne ne l'a compris, évidemment. Personne ne comprend jamais rien à ma peinture de toute façon.
La nature est un sujet récurrent dans vos tableaux.
J'adore peindre des arbres. Ils représentent quelque chose d'extraordinaire, même si notre maire de Paris, Madame Hidalgo, ne cesse de les couper. À chaque apparition dans une émission télévisée ou un gala, j'ajoutais un nouvel arbre devant ma maison en Provence. Mes amies s'achetaient des bracelets ou des manteaux, moi, je préférais m'offrir un arbre. Maintenant, en regardant mon jardin, je vois des magnolias, des cyprès, un olivier, un cerisier... Tous plantés de ma main. Les voir grandir me procure une satisfaction extraordinaire.
Quel est le portrait que vous avez eu du mal à réaliser ?
Celui de mon époux. Nous avons été mariés pendant plus de vingt ans, et je le voyais tous les jours (ndlr.: Alain-Philippe Malagnac est décédé en décembre 2000 dans l'incendie de leur mas). Je connais son visage par cœur. Pourtant, je n'arrivais pas à le peindre. J'ai essayé trois ou quatre fois, ce n'était jamais satisfaisant. La semaine dernière, pour la première fois, j'ai enfin réussi à faire un petit portrait de lui vraiment ressemblant. Je voulais retrouver son regard et son sourire. Cela m'a demandé beaucoup d'efforts. Je ne sais pas pourquoi. Je le connais peut-être trop bien et il fait trop partie de ma vie...
Pour revenir sur l'Eurovision, vous avez connu un acte manqué avec un autre vainqueur, le groupe italien Måneskin.
Oui. Il y a trois ans, ils m'ont contactée pour chanter en duo avec eux au Festival de Sanremo. La chanson s'appelait «Amanda» et était magnifique, mais je ne les connaissais pas. J'ai vu des photos d'eux déguisés et maquillés, et j'ai demandé combien ils allaient me payer. Ils ont été vexés. Ça ne s'est pas fait. Puis, ils ont gagné Sanremo et l'Eurovision. Tout le monde m'a dit que j'avais raté une grande opportunité. Nous sommes restés en bons termes. Damiano (ndlr.: le chanteur du groupe) m'envoie parfois des messages. Peut-être aurais-je dû accepter. C'était une erreur de ma part, et je le regrette.
Avez-vous beaucoup de regrets ?
J'ai surtout beaucoup de chance dans ma vie, car je poursuis une carrière que personne n'aurait imaginée. J'ai passé trois mois au théâtre et je vais partir sur les routes en octobre. J'ai participé à trois tournages l'année dernière, et je commence un nouveau en juin avec Nadia Farès et Jean-Baptiste Maunier. Ça n'arrête jamais. Je ne peux qu'être reconnaissante pour tout ce qui m'arrive. À mon âge, alors que j'ai déjà annoncé ma retraite je ne sais combien de fois, c'est incroyable.
Honnêtement, vous voulez vraiment prendre votre retraite ?
Peut-être que si je prenais vraiment ma retraite, je m'ennuierais. Pour l'instant, j'ai beaucoup de travail et de succès. Je suis plutôt contente de ce qui m'arrive.
«J'ai réussi à faire oublier ce personnage un peu anecdotique. Avant, on ne me prenait pas au sérieux, on riait de moi» . . . Amanda Lear
Vous serez au Théâtre du Martolet à Saint-Maurice (VS) le 27 novembre prochain avec la pièce «L'Argent de la vieille». Pouvez-vous nous en dire plus ?
C'est l'histoire d'une vieille Américaine milliardaire en fauteuil roulant, absolument odieuse, abominable, manipulatrice et machiavélique. J'ai adoré jouer ce rôle très antipathique. C'était une première pour moi et c'était une consécration théâtrale. Tout le monde est venu me voir à Paris pendant trois mois: la ministre de la Culture Rachida Dati, Isabelle Huppert, et bien d'autres. Être reconnue comme une véritable actrice de théâtre est une grande satisfaction.
La peinture, le théâtre... Et la musique? Vous avez des projets dans ce domaine ?
J'avais un peu négligé la musique ces derniers temps (ndlr.: son dernier disque, «Tuberose», date de 2021). Mais dans quinze jours, je retourne en studio pour enregistrer deux titres, avec l'espoir de faire un nouvel album.
D'où vient cette envie ?
Il y a eu un regain d'intérêt grâce à la publicité de Coco Mademoiselle l'an dernier. Chanel a utilisé mon titre «Follow Me». Les gens sont allés sur Shazam pour savoir qui interprétait le titre et l'ont ensuite téléchargé. Soudainement, je revends un vieux morceau que j'ai écrit il y a quarante ans. J'ai même fait un retour dans les charts, notamment en Corée du Sud. C'est plutôt encourageant. Jacquemus a aussi utilisé une de mes chansons pour son défilé.
On vous sent fière quand vous parlez de votre chanson «Follow Me».
Je le suis assez. Mais si je meurs demain, on ne s'en souviendra plus. Je suis surtout fière de ce que je fais en ce moment. Ce qui s'est passé hier, je m'en fiche. J'ai réussi à faire oublier ce personnage un peu anecdotique. Avant, on ne me prenait pas au sérieux, on riait de moi. J'étais la rigolote de service, celle qui faisait des photos nues pour «Playboy» et qui créait des scandales. Petit à petit, on a remarqué que j'étais une vraie actrice, avec du talent, capable de transmettre des émotions.
Qu'aimeriez-vous encore faire ?
Je me rends compte que mes portraits d'artistes rencontrent un certain succès. L'an dernier, j'avais notamment peint Jimi Hendrix et Mick Jagger. Je pourrais organiser une exposition consacrée uniquement à des portraits de rockers. Ce serait intéressant, car il s'agirait de personnes que j'ai connues et fréquentées. Sinon, j'ai une exposition prévue à Monaco et une autre à Berne. Si cela pouvait m'aider à payer ma maison de retraite...
Cela ne devrait pas être un problème: certaines de vos peintures se vendent jusqu'à 30 000 francs, non ?
Je vais finir par acheter la maison de retraite. (Rires.)
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