lundi 6 mai 2024

AMANDA LEAR : «JE RÊVAIS DE ROCK, J’AI ÉTÉ LA REINE DU DISCO»

From Fabrice Staal


En convalescence après une opération du cœur, la comédienne de 82 ans, réputée pour son franc-parler, fait l’objet d’un documentaire à voir ce vendredi sur Arte.


Arte propose d’entrer dans la vie intime d’une icône du disco, avec le documentaire «Queen Lear – Les vies d’Amanda Lear». En puisant dans ses souvenirs, Amanda Lear choisit Télépro pour une confession sans langue de bois.


«Queen Lear» est le titre de ce documentaire inédit. Il paraît que vous êtes un tantinet déçue…


Quand j’ai découvert le résultat final, j’ai trouvé que cela n’apportait rien de nouveau sur moi alors que j’avais fourni des documents inédits comme des émissions réalisées à l’étranger. De plus, ils ont complètement zappé mes deux autres passions pour la peinture et le théâtre. C’est donc un documentaire incomplet, mais je pense que c’est dû à la durée (52 minutes) du programme. Vos lecteurs vont découvrir des images d’époque où j’étais très maigre.


Justement, c’est l’époque où vous avez été la muse de Salvador Dali !


Jamais je n’aurais imaginé qu’en allant manger dans un restaurant, je tombe sur Dali. J’en garde un souvenir émerveillé. Je crois beaucoup aux coïncidences que le destin nous envoie. Cette rencontre a déclenché une longue histoire qui a duré jusqu’à sa mort, en 1989. Salvador a marqué ma vie.


Et la vie de Yoko Ono (épouse de John Lennon) également ?


(Rires) Ah cette anecdote. Dali était très superstitieux. Il croyait qu’on pouvait jeter des sorts sur les poils et les rognures d’ongles. Quand Yoko Ono a voulu lui acheter un poil de sa moustache, 5000 dollars quand même, il m’a envoyé au fond du jardin cueillir une herbe toute séchée par le soleil, il l’a placée dans un bel écrin avant de recevoir l’argent.

On se souvient aussi de votre amitié avec David Bowie…


Comme il était musicien, il ne s’intéressait qu’à la musique. J’ai essayé de le brancher sur d’autres choses comme voir de vieux films, visiter des expositions de peinture et de bande dessinée. Comme il n’avait pas été longtemps à l’école, il avait envie de combler ces lacunes-là alors que d’autres musiciens m’auraient envoyée sur les roses.


Pour le grand public, vous restez la reine du disco…


Et dire qu’au départ, je rêvais de rock’n roll et ça ne s’est jamais fait car je suis tombée sur une maison de disques allemande qui voyait en moi la Marlene Dietrich du disco. Ils étaient obsédés par cette image de blonde qui fume des cigarettes avec une voix très basse dans un cabaret enfumé. Comme j’étais sous contrat, ils m’obligeaient à chanter plus bas que mon registre vocal habituel. Evidemment, c’était la mode, rappelez-vous des voix fluettes des Bee Jees. Je me suis vite retrouvée étiquetée reine du disco comme Gloria Gaynor après avoir vendu plus de 25 millions d’albums dans le monde. Le disco fait toujours partie de notre vie contrairement au Twist et au Charleston (Rires). Toutes ces nouvelles chanteuses (Rihanna, Jennifer Lopez…), qui sont un peu mes filles, font aujourd’hui de la musique très rythmée, saccadée pour danser. Le disco est l’ami fidèle de la fête !


Vous souvenez-vous d’un de vos passages en Belgique ?


Oui, en 2020 pour les Magritte du cinéma. Kody, votre humoriste de l’émission «Le Grand cactus», était le présentateur de la soirée. On m’avait demandé de remettre un prix. Avant l’émission, j’avais bien précisé qu’étant myope, il fallait écrire le nom du gagnant en très grand sur le papier car je ne souhaitais pas porter mes lunettes sur scène. Evidemment, personne n’a écouté. Quand j’ai ouvert l’enveloppe, le texte était très très très petit (Rires). Kody est venu à ma rescousse pour lire le nom. C’était un moment très gênant devant le gratin du cinéma et le Prince Laurent. Enfin, en Belgique, on mange bien. J’adore les moules, les crevette grises… Je crois que si je devais vivre dans votre pays, je pèserais 100 kg.


Cela ne vous agace pas que l’on vous surnomme la diva androgyne ?


On ne m’appelle plus comme ça aujourd’hui. C’était un terme employé, il y a quarante ans. À l’époque, les gens étaient choqués de voir Patrick Juvet se maquiller. En ce qui me concerne, les rumeurs, les suppositions m’arrangeaient plutôt bien car je vendais plus de disques après chaque publication dans cette presse dite people.


Ce documentaire aborde aussi la disparition de votre mari en 2000 dans un incendie.


J’ai demandé de ne pas trop insister dans le reportage sur cette période de ma vie. Avant de le perdre aussi tragiquement, j’ai quand même vécu plus de vingt ans de bonheur avec lui. Alain-Philippe Malagnac a été ma plus belle histoire d’amour.


Macha Méril déclare que vous êtes un «être de science-fiction» !


(Rires) Je vais vous faire une confidence. Je n’ai pas compris ce qu’elle venait faire dans ce documentaire. Macha n’est pas une amie intime. Le journaliste aurait pu interviewer mes proches, mon producteur, ma meilleure copine à Paris voire encore ma femme de ménage. Même si c’est gentil de sa part d’intervenir, elle ne connaît rien de ma vie.

Dans les années 90, TF1 vous a confié les clés de l’émission de charme «Méfiez-vous des blondes».


Un magazine nul de chez nul. Je pense qu’aujourd’hui, ce serait la honte de mettre ce programme à l’antenne avec tous les mouvements féministes que nous connaissons. C’était une émission racoleuse, comme celle que j’avais présentée en Allemagne («Peep» sur RTL2, ndlr.). On essayait d’attirer le public en parlant de sexe, en allant voir ce qui se passait dans les chambres à coucher. Franchement, cela volait bas, mais bon, c’était TF1 et c’était super bien payé.


Qu’est-ce qui vous agace aujourd’hui à la télé ?


Il y a une chose qui a complètement cassé l’image de la télévision, c’est la téléréalité. C’est du voyeurisme totalement débile. On y voit des analphabètes en train de se brosser les dents, dans cette espèce de quotidien sans intérêt. Ces personnes croient être des stars, ce qu’elles ne sont pas. C’est le degré zéro.


Vous partagez vos toiles sur Instagram. La peinture, c’est plus qu’une passion pour vous, non ?


C’est ma vie, ma thérapie. J’ai commencé dès l’enfance à dessiner, à peindre. Je me suis toujours intéressée à cet art-là. C’est pourquoi je publie beaucoup de clichés de mes toiles sur les réseaux sociaux. Je ne reçois que des éloges et non des critiques, du style : «Remballe tes pinceaux». Si je pouvais payer mon loyer avec mes peintures, on ne me verrait plus à la télévision. Comme je sors d’une opération chirurgicale, le docteur m’a demandé de rester en convalescence. Je peins tranquillement assise car ça ne demande aucun effort. Comme je dis toujours, mon secret de beauté est de m’assoir à côté d’une moche (Rires).

«Tuberose» est votre dernier album paru chez Universal. Comment est née cette idée de reprise ?


Je sais, j’avais promis de ne plus chanter après avoir fait tout le tour de cette époque disco, mais voilà, un metteur en scène m’a convaincue de revenir avec un album en français. Une première pour moi. Ce 20e album est un hommage à tous les grands classiques de la chanson française comme Gainsbourg, Charles Trenet.


Enfin, que pensez-vous de notre compatriote Stromae ?


C’est un garçon étonnant avec beaucoup de sensibilité. On ne s’attendait pas à voir débarquer un tel ovni sur scène, notamment dans sa façon de s’habiller et ses chansons dans l’air du temps. Au début, on l’a comparé à Jacques Brel, ce qui n’est pas correct. Dans ses textes, il parle de son père, de ses angoisses. J’adore. Nous n’avons pas encore fini d’entendre parler de lui. Il est juste «formidable».

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